En tant que manager, savoir qu’un collaborateur dénigre chaque décision, remet en cause chaque projet et critique ses collègues peut vite devenir préoccupant, voire très énervant !
Dans mon article de la semaine dernière, je vous donnais 4 conseils pour gérer une relation toxique avec un collègue, c’est-à-dire quelqu’un du même niveau hiérarchique que le vôtre. Aujourd’hui, nous poursuivons sur le même thème, avec 4 techniques de management à adopter lorsque l’un de vos collaborateurs, un membre de l’équipe que vous managez, bref, quelqu’un sur qui vous avez une ascendance hiérarchique, a une personnalité toxique.
Comment savoir qu’un collaborateur est toxique pour votre équipe ?
Je reviens rapidement sur le terme “toxique”. La semaine dernière, je vous ai expliqué que ce terme n’était pas le mien, mais qu’il était à la mode et très utilisé en ce moment. Si vous n’avez pas lu l’article et que cela vous intéresse, vous le trouverez ici.
Je considère que ce que nous appelons toxique, c’est l’ensemble des comportements négatifs (critique, plainte, ragots, remarques acerbes…) d’une personne qui ont un impact sur les performances de l’équipe.
Lorsque vous repérez qu’un collaborateur, appelons-le Albert, a des comportements négatifs, la première chose à faire, c’est donc de vous demander si son attitude est préjudiciable au fonctionnement de l’équipe. Pour cela, vous devez absolument prendre le temps d’observer les effets que cette attitude a sur les autres et sur leur dynamique de groupe.
Quelqu’un de critique ou de pessimiste n’est pas forcément quelqu’un de toxique. Cela peut être utile d’avoir quelqu’un qui soulève les incohérences ou les erreurs, si l’effet est de faire réfléchir les autres et de booster leur créativité. Et dans ce cas, votre travail sera simplement de veiller à ce que cela reste stimulant, et d’utiliser cette caractéristique de sa personnalité comme levier.
Par contre, si vous observez effectivement que les comportements d’Albert polluent l’équipe et l’empêchent d’avancer, il vous faut agir pour enrayer la contagion.
Votre objectif : éviter la contagion
Lorsque l’un de vos collègues a des comportements qui vous sapent le moral ou vous font perdre du temps, vous devez faire votre possible pour éviter d’être contaminé par cet état d’esprit.
Lorsqu’il s’agit de votre collaborateur, il y a une difficulté supplémentaire : vous devez vous préoccuper des autres membres de l’équipe. Vous devez être attentif à ce que cette attitude négative ne prenne pas le dessus et ne contamine pas tous vos collaborateurs.
Cela signifie que votre comportement ne doit pas valoriser, volontairement ou non, ce type d’attitude. Ça n’est pas facile, parce que cela implique de lutter contre une tendance naturelle. Par empathie, quand quelqu’un se plaint, on peut vouloir le soutenir dans la souffrance qu’il exprime, voire alléger cette souffrance. Mais vous n’êtes pas un psychologue, votre rôle n’est pas de soigner vos collaborateurs.
Or, les managers sont éduqués à repérer et corriger les dysfonctionnements d’une équipe. Ils risquent donc de passer beaucoup de temps – trop de temps – à manager les personnes négatives au détriment des autres. Le piège d’une trop grande empathie, c’est de donner l’impression à vos collaborateurs que pour attirer votre attention, il faut se plaindre.
Ça n’est pas votre but. Votre but, c’est d’éviter que la négativité d’une personne ne nuise aux performances de l’équipe.
Le conseil que je donnais la semaine dernière à propos du collègue toxique était de se protéger en passant le moins de temps possible avec lui. Concernant un collaborateur, s’il est toujours vrai que vous devez vous protéger, il faut néanmoins nuancer ce conseil. Vous êtes son manager : il a beau vous agacer, vous ne pouvez pas faire comme s’il n’existait pas.
Pour éviter la contagion tout en travaillant à améliorer votre relation avec ce collaborateur, je vous propose donc 4 techniques : 3 à adopter en public, en réunion par exemple, et une quatrième à utiliser en privé.
Technique n° 1 : osez interrompre
Savoir interrompre n’est pas chose facile. Mais spoiler alert : vous êtes le manager, vous avez le droit, et parfois le devoir de le faire.
Je parle souvent de l’écoute, d’à quel point c’est important d’être un manager bienveillant et disponible. Ça l’est, mais quand un comportement pèse sur tout le monde et met le reste de l’équipe en difficulté, vous devez faire en sorte que cela ne s’étende pas. Vous ne devez pas laisser Albert en roue libre.
Vous pouvez utiliser des phrases comme :
- « J’ai entendu Albert, mais ça vaut le coup de continuer la réflexion » ;
- ou « On va s’en occuper, mais pour moi ça n’est pas un problème majeur, on continue » ;
- ou encore « Je vois ce que tu veux dire, j’ai compris, mais je ne suis pas d’accord parce qu’il n’y a pas de solution parfaite, donc on prend le risque ».
Vous devez rythmer le débat, choisir qui le fait avancer et comment. Cela ne veut pas dire que vous n’entendrez pas les opinions de chacun, mais vous pouvez et devez choisir le timing pour protéger votre équipe.
Technique n° 2 : posez des règles
Votre objectif lors d’une réunion ou d’un autre moment public avec Albert, c’est de ne pas le laisser prendre le pouvoir.
Votre pouvoir en tant que manager est en partie hiérarchique. Mais c’est un pouvoir qui s’use lorsqu’on en abuse. Vous avez donc tout intérêt à l’utiliser le moins possible. Pour cela, il faut fixer des règles, s’assurer qu’elles sont bien comprises et qu’elles sont acceptées et respectées par tout le monde. De cette façon, quand quelqu’un dépassera une limite, il suffira de le rappeler à la règle, qui aura été fixée ouvertement au préalable. Votre pouvoir en animation de réunion ne sera donc pas représenté par une position de supériorité, mais par des règles communes, qui vous permettront d’influencer le groupe et de rendre la réunion efficace. Pour aller plus loin, je vous conseille vivement de visionner ma vidéo sur la méthode du kir royal pour animer des réunions difficiles.
La règle la plus importante à poser lorsque vous savez que vous avez un collaborateur toxique pour l’équipe, c’est celle du temps et du lieu. Elle définit un temps et un lieu pour chaque chose.
Le mouvement que vous suivez avec votre équipe pourrait s’appeler le DDA : Discuter, Décider, Agir.
- Discuter : le temps de discussion est celui durant lequel chacun peut et doit donner ses arguments et ses idées, les défendre, les faire valoir. On peut donc entendre tous les problèmes, mais il y a un temps dédié à ça, un temps circonscrit, qui ensuite se termine.
- Décider : après ce temps arrive la phase de décision, durant laquelle on n’apporte plus de nouveaux arguments, on a fini de parler des risques. Cette phase est dédiée à l’évaluation et à l’examen des arguments avancés pour trancher et choisir la meilleure solution.
- Agir : enfin, on passe à la phase d’action : on met en place un plan et on passe à l’exécution. On ne remet alors plus en cause le projet, on a déjà évoqué les obstacles potentiels. On peut encore résoudre ceux qui se présentent, mais ça ne remet pas en question les intentions et les décisions.
Ce modèle fonctionne particulièrement bien si vous avez un Albert dans votre équipe.
Généralement, la stratégie des gens très négatifs est de trouver une faille. Pour cela, il faut du temps et de l’observation. Albert choisira donc le pire moment pour intervenir, détruire l’avancée du projet et tout recommencer : à la fin, quand tout le monde a épuisé ses arguments.
Si vous avez bien expliqué en début de réunion que le temps de l’argumentation était défini, vous pourrez donc vous appuyer sur la règle pour arrêter Albert. Quand il essayera, à la fin, de démontrer par a+b que le projet est de toute façon voué à l’échec, votre responsabilité sera de le remettre à sa place cordialement : « Albert, tu dois respecter la règle du temps et du lieu comme nous tous. Tu as choisi de ne pas parler pendant la discussion, c’est que tu n’avais pas d’objection à émettre. Je ne veux pas en entendre parler maintenant, sinon on n’avance jamais ».
Il y a un outil qui ressemble à ce temps de discussion : le brainstorming. Tout le monde est invité à jeter des idées en gros volume, sans jugement. C’est intéressant d’inviter l’équipe à l’utiliser quand Albert est là, et même de le transformer en brainstorming négatif. « Allez, on se lâche, on met sur la table toutes les raisons pour lesquelles ça pourrait ne pas marcher, tous les risques, et on cherche des moyens de les contrer ensemble ».
Surtout, donnez la parole à Albert pendant ce brainstorming. Il sera obligé d’abattre son jeu tout de suite, et c’est tant mieux. D’une part, vous pourrez ensuite avancer sans fil à la patte, et en plus ses remarques pourront être vraiment utiles au projet. Cela lui permettra de briller, le rassurera, et il deviendra votre allié, puisque vous l’aurez encouragé à participer. Le négatif sera abordé volontairement et en équipe, ce qui sera plus agréable pour tout le monde.
Technique n° 3 : condamnez le consensus
Cette idée est inhabituelle, et je comprendrais qu’elle puisse vous surprendre. On pense parfois qu’être un bon manager, c’est obtenir le consensus dans son équipe. Je ne suis pas d’accord. Je pense que le management par consensus nivelle par le bas et dédouane le manager de ses responsabilités.
Je ne veux pas dire par là que vous ne devez pas écouter vos collaborateurs. D’ailleurs, je viens d’écrire un paragraphe sur la discussion. Non, selon moi, votre rôle est de recueillir les idées, de les confronter, et de choisir celles qui vous plaisent pour construire une solution autour de laquelle vous devrez mobiliser votre équipe.
Ensuite, votre job, c’est de vendre cette idée. Le vrai talent d’un manager, la chose à développer, c’est votre capacité à influencer les choses pour qu’elles avancent.
L’important, ce n’est donc pas le consensus, c’est la cohésion.
Vous devez faire en sorte que vos collaborateurs soient capable de travailler ensemble, de se battre pour un projet, même lorsque tout le monde n’était pas d’accord au départ.
Pourquoi j’insiste sur ce point dans cet article-là ? Parce qu’Albert adorerait un manager qui cherche le consensus. Cela lui ouvrirait un boulevard de manipulation et de pouvoir.
La condamnation du consensus doit donc être clairement posée en présence d’Albert. En réunion, chacun doit savoir que vous êtes celui qui tranchera. Lorsqu’une décision est prise, vous devez l’annoncer, et l’expliquer : « Après discussion, j’ai donc opté pour cette solution, qui me semble la meilleure pour telle et telle raison, et maintenant je vous demande de vous battre pour que l’on réussisse ».
Lors du passage à la phase d’action, n’éloignez pas Albert du groupe sous prétexte qu’il est négatif et qu’il critique le projet. Au contraire, il doit être engagé comme les autres, pour éviter qu’il ne se dégage ensuite de sa responsabilité. Il faut qu’il soit dans le même bateau. Votre leitmotiv : cohésion et solidarité dans l’exécution.
Technique n° 4 : en privé, utilisez le feedback
Vous commencez à connaître cet outil dont je parle souvent. C’est l’un des quatre piliers d’ODM. J’ai déjà développé le modèle dans mes podcasts, mes vidéos, mes articles, et surtout mes formations.
Avec Albert, vous devrez user, comme pour tous vos collaborateurs, de feedbacks positifs et négatifs. Quand vous aurez commencé à observer régulièrement de sa part des comportements toxiques pour l’équipe (cf première partie), vous devrez donc provoquer un moment en tête-à-tête avec lui.
Voici quelques exemples de feedbacks négatifs à lui adresser :
- « Je peux te faire une remarque ? Quand tu dis qu’il y a d’autres risques dont on n’a pas parlé, alors qu’on prend des décisions, ça empêche le projet d’avancer. Peux-tu arrêter de déroger à la règle comme ça s’il te plaît ? » ;
- ou « Je peux te faire un feedback ? Quand tu soulignes ce risque sans apporter aucune solution, je trouve que ça ne nous aide pas beaucoup. Peux-tu essayer de parler solution plutôt que problème la prochaine fois ?” ;
- ou encore « Quand tu dis à Germaine « Tu trouves pas que Lucette est une incapable ? », ça n’aide pas beaucoup la cohésion d’équipe. Peux-tu essayer de faire mieux ?”.
Comme dans n’importe quel feedback, vous parlez du comportement et de son impact, pas de l’intention que vous supposez qu’Albert a. Vous ne jugez pas, vous ne collez pas d’étiquette. Vous citez un fait précis, et l’impact que cela a sur l’équipe, puis vous demandez de changer le comportement. C’est votre job de manager.
Enfin, je vous conseille également de commencer par chercher la solution chez vous-même. Commencez par vous questionner avant d’élargir. Face à Albert, observez votre comportement, et demandez-vous ce que vous faites peut-être inconsciemment qui puisse favoriser son attitude. Qu’est-ce qui l’autorise à agir de cette façon ? Peut-être le laissez-vous aller à son “lâchage” négatif, donnez-vous plus la parole aux personnes qui critiquent qu’aux enthousiastes, ou êtes vous-même souvent négatif…
Bref, n’oubliez pas votre rôle au sein de cette équipe, et soyez capable de changer vos comportements quand cela est nécessaire : c’est salvateur !
À la semaine prochaine !
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Manon Watine pour ODM