Apprendre de ses erreurs, pour un système, une organisation ou même une personne qui se voudrait antifragile, est une nécessité. Vous ne savez pas ce que veut dire antifragile ? J’ai écrit deux articles sur le sujet ces deux dernières semaines, et celui que vous lisez actuellement fait partie de cette série. L’antifragilité est un concept développé par Nassim Nicholas Taleb : c’est ce qui caractérise un système qui s’adapte aux crises. Apprendre de ses erreurs, c’est l’un des indispensables de la survie d’une équipe en temps de crise, car c’est le meilleur moyen de progresser et de s’adapter. Dans cet article, nous parlerons risque et devoir d’erreur. Et, comme promis, vous trouverez en troisième partie un petit test concret pour passer au crible la capacité d’adaptation de votre équipe.
2 questions à se poser pour évaluer sa relation au risque
Beaucoup d’entreprises n’étaient pas préparées à la crise sanitaire que nous vivons. Celles qui l’étaient un peu mieux n’en sortiront pas pour autant indemnes, mais elles savent qu’une crise peut être un moment fécond pour n’importe quel système, puisqu’il permet d’apprendre de ses erreurs. La condition indispensable d’un système antifragile est que ce système ne soit pas isolé des crises : il faut qu’il en vive. Taleb appelle cela « risquer sa peau ». Il n’y a pas d’autre manière de nous adapter que de ressentir la réalité dans ce qu’elle a de douloureux. Un système isolé de la douleur deviendra progressivement incapable de s’adapter.
Bien entendu, cela reste une question de dosage. Une crise violente détruira n’importe quel système. Par exemple, notre corps ne résistera pas à un choc à 80 km/h. En revanche, s’il subit des chocs de faible amplitude, mais à fréquence élevée (marche, course, etc.), ces chocs vont le renforcer et le rendre antifragile. Êtes-vous sûr que votre équipe est prête à la prise de risque ? Quelle est sa relation au risque ? Ces questions sont importantes, parce que leurs réponses vous renseigneront sur la capacité de votre équipe à rester antifragile, à apprendre et à grandir face à chaque obstacle.
1) Votre équipe est-elle exposée au risque ?
Peut-être votre entreprise a-t-elle hérité d’un trésor du passé : une trésorerie abondante, une grosse barrière à l’entrée, ou un brevet… Vous vous sentez donc probablement peu exposé au risque. Le problème, c’est que dans un gros paquebot isolé, l’équipage ne voit pas la cale se remplir d’eau. Lorsque l’alerte est donnée, il est trop tard pour changer de cap. Dans un plus petit bateau, à l’instant où l’eau rentre, on a les pieds mouillés. C’est pareil en entreprise : souvent, les entreprises dont les fonds ne sont pas abondants ou hyper protégés s’adaptent plus vite aux nouvelles situations. La nécessité faisant loi, elles n’ont pas le confort d’attendre de voir.
2) Quelle est votre définition du risque ?
Il y a deux manières de définir le risque :
- le risque lié à la stagnation : « le risque de ne rien faire » ;
- et le risque lié à l’action : « le risque d’entreprendre ».
Une structure antifragile, qui apprend, s’adapte rapidement et évolue valorise l’action, et redoute la stagnation. Qu’en est-il de la vôtre ? Le système est-il fondé sur la répétition et l’obéissance ? Est-il orienté sur la sécurité et le culte de la procédure ? Sur le budget à très long terme ? Lisez la suite, et vous comprendrez que ce chemin n’est probablement pas le meilleur.
Apprendre de ses erreurs : un devoir
Reconnaître le statut de l’erreur dans votre équipe
Pour évaluer la capacité d’adaptation de votre équipe, demandez-vous si, de manière générale, l’erreur est plutôt perçue comme :
- une anomalie ;
- ou une opportunité d’apprentissage.
Quand une erreur survient, la considère-t-on comme un écart à la norme, ou bien l’utilise-t-on immédiatement pour améliorer le système ?
La deuxième question à se poser, c’est celle du mode d’apprentissage. Les formations sont-elles plutôt de type « top down », du haut vers le bas, en salle, et avec pour objectif d’uniformiser les comportements ? Ou la tendance est-elle plutôt de tester des nouvelles choses régulièrement, qui ne marcheront peut-être pas, mais feront progresser la connaissance ?
Le devoir d’erreur
Pour obtenir un système antifragile, il ne s’agit pas simplement d’autoriser le droit à l’erreur dont on parle souvent. Il s’agit d’instaurer le devoir d’erreur. Vos collaborateurs doivent être régulièrement mis dans la situation inconfortable de risquer de faire des erreurs. C’est tout à fait différent, et cela doit se voir et se ressentir dans votre posture managériale.
Le droit à l’erreur signifie : « si tu fais une erreur, c’est mauvais, mais je te pardonnerai ».
Le devoir d’erreur, c’est dire le contraire : « si tu ne fais pas d’erreur, c’est mauvais. Nous avons besoin que tu en fasses pour tous progresser ».
Test antifragile n° 2
Pour terminer, je vous propose le test du jour. Il s’agit, comme la dernière fois, d’une série de questions à laquelle je vous invite à répondre honnêtement et à l’écrit.
- Protégez-vous vos collaborateurs de la réalité en les rassurant en permanence ? Si oui :
- attention à ne pas être positif de la mauvaise manière : soyez réaliste sur la situation et positif sur les solutions ;
- exposez régulièrement vos collaborateurs aux risques ;
- donnez-leur les moyens d’agir : information, budget et méthodes.
- Prenez-vous des décisions à la place de vos collaborateurs ? Si oui :
- avant de décider, posez-vous toujours la question de la délégation de la décision (c’est l’un des fondements de ma méthode « Processus de décision efficaces ») ;
- ne leur volez pas la responsabilité de faire des erreurs et donc d’apprendre ;
- valorisez toujours les décisions de terrain : ce sont les meilleures, parce que la courbe de feedback est la plus courte.
- Sanctionnez-vous les erreurs ? Si oui :
- ne privez pas vos collaborateurs de la réalité ;
- ne bloquez pas le processus d’apprentissage ;
- donnez-leur plutôt un feedback positif sur leurs initiatives, même en cas d’erreur ;
- demandez à votre collaborateur comment il va corriger son erreur.
- Votre système d’information est-il orienté « contrôle » et « budget » ? Si oui :
- décentralisez-le ;
- orientez-le vers la prise de décision ;
- mettez-le à disposition de vos collaborateurs.
À ce stade, vous avez compris que pour être antifragile, une équipe doit apprendre de ses erreurs. Pour apprendre de ses erreurs, elle doit en faire. Et pour en faire, elle doit être exposée au risque. Attention, mon but ici n’est pas de valoriser un modèle orienté vers la prise de risque maximale. J’en reparlerai dans un prochain article, avec la « stratégie en haltères », mais ce dont il s’agit, c’est surtout de permettre une prise de risque forte dans certains secteurs, et une prise de risque minimale dans d’autres. En attendant, n’hésitez surtout pas à venir échanger sur le forum Outils du Manager, d’autant qu’il est très actif en ce moment.
À la semaine prochaine, et d’ici-là, bon management !
Manon Watine pour ODM