On a tous dans notre environnement des personnes qui relèvent systématiquement le négatif de chaque situation. Dans le milieu professionnel, ça peut prendre la forme de critiques sur chaque projet, chaque changement, ou même sur d’autres collègues.
C’est désagréable et difficile à supporter au quotidien, mais on est bien obligé de travailler ensemble.
Je vous propose donc quelques pistes pour apprendre à gérer ce type de relation professionnelle. Cette semaine, j’aborde la relation toxique avec un collègue (c’est-à-dire quelqu’un du même niveau hiérarchique que le vôtre), et la semaine prochaine, nous parlerons des collaborateurs (au niveau hiérarchique dépendant du vôtre).
C’est quoi, un collègue “toxique” ?
On parle souvent de personnalité toxique au travail pour caractériser ces collègues qui jugent, se plaignent et critiquent tout, mais surtout qui partagent leur négativité et semblent s’y complaire.
Le terme “toxique” n’est pas le mien, mais c’est celui qu’on utilise généralement. Je ne sais pas moi-même si c’est justifié, si on peut réellement parler de “personnalité toxique”, de quelque chose d’inné ou d’acquis. Mais ce n’est pas la question ici. Ce que je sais par contre, c’est que quelqu’un qui a des opinions et des comportements négatifs en permanence, c’est préjudiciable pour les performances d’une équipe, surtout si ça n’est pas géré correctement.
Chez ODM, on ne cherche pas à mettre des étiquettes sur les personnes. On s’intéresse au comportement et à la façon de communiquer en entreprise. On ne cherche pas à changer la personnalité des gens, on cherche juste des outils pragmatiques pour une équipe efficace et heureuse.
Ce qui importe, c’est que si vous lisez cet article, vous avez probablement un sentiment négatif à l’égard d’un de vos collègues. Je me fiche de savoir s’il est vraiment négatif ou pas. Je veux simplement vous donner quelques pistes pour mieux vivre cette situation et votre relation avec votre collègue.
Le risque de contagion
Quand on travaille avec un collègue qui se plaint tout le temps, on peut rapidement, sans s’en apercevoir, se faire aspirer par ce comportement et se retrouver soi-même à hurler avec les loups.
Au début, par politesse, on se sent obligé de compatir, d’acquiescer et de ne pas juger. C’est la pire façon de faire, parce que comme tout être humain, ce collègue négatif se sent probablement encouragé par l’attention qui lui est portée et qui agit comme une récompense.
Il y a aussi un risque : celui de se retrouver à adhérer aux propos qui nous agaçaient ou nous choquaient. Ça n’est pas facile à éviter. Vous souhaitez sûrement garder votre rôle de bon écoutant, malgré votre malaise. Sauf que personne n’est imperméable.
Et puis être dans la critique, ça peut plaire, voire fasciner. Par exemple, vous avez été hyper emballé par une présentation de projet. Quand vous parlez de votre enthousiasme à Marcel, il vous dit « Ah, mais attends, on ne t’a pas tout dit, il y a des détails que tu ne connais pas, il faut réfléchir plus loin que ça… » et continue sa démonstration pleine d’arguments pour vous montrer à quel point en fait, ça n’est pas si bien. Même si vous vous méfiez un peu, vous risquez de finir par adhérer. Vous pourriez par exemple vous mettre à penser que vous vous emballez trop vite, que vous manquez de recul et d’esprit critique.
Pour vous protéger, il faudra donc subtilement décourager ce comportement. Si à chaque fois qu’il est négatif vous coupez la communication, vous envoyez le signal que nous ne récompensez pas le comportement que vous considérez toxique.
Conseil n° 1 : évitez la contagion
Pour éviter la contagion, je vous conseille donc de garder les conversations avec Marcel aussi courtes et focalisées que possible.
Souvent, le discours des personnes négatives est alambiqué, indirect. Elles abordent de tous petits détails, des questions précises, le 1 % de cas dans lequel ça ne marche pas, ou le petit défaut d’une personne par ailleurs pétrie de qualités. Cela peut donner une impression d’intelligence, de finesse, on peut se dire « Moi je suis trop béni-oui-oui, je devrais m’inspirer de lui ».
En fait, l’aspect négatif que soulève Marcel est peut-être valable, mais c’est un tout petit aspect qui ne doit pas pour autant mettre en péril un projet, ou gâcher votre bonne relation avec un autre collègue.
Là où vous avez un levier pour éviter d’entrer dans le jeu, c’est que comme c’est alambiqué, Marcel met probablement du temps à arriver là où il voulait en venir. Vous avez donc le temps de faire dévier la conversation ou de l’interrompre avant de vous laisser embarquer.
Comment faire ?
- Ne rentrez pas dans l’argumentation.
- Répondez d’un simple : « Ah bon, tu crois ? », ou d’un « Si tu le dis… De toute façon, on verra bien ».
Conseil n° 2 : excusez-vous (si si !)
Si vous avez suffisamment cerné ce collègue pour savoir qu’il va vous tenir la grappe avec ses plaintes, ou vous casser tout votre enthousiasme, il vous faut des stratégies pour vous sauver ! Eh bien, utiliser une phrase qui commence par “Excuse-moi” est une technique formidable. « Excuse-moi, je suis en retard pour un RDV », « Excuse-moi, j’ai un rapport pour le chef à rédiger », « Excuse-moi, je dois rentrer, c’est moi qui gère la sortie d’école de mes enfants ce soir »… Ce serait quand même gonflé de sa part de ne pas vous “excuser”.
Vous devez également faire physiquement le mouvement de vous éloigner, pour éviter d’enchaîner sur un « Ah bon, le boss t’a encore demandé un rapport ? Vraiment, il abuse… ». Votre langage corporel doit être en accord avec ce que vous dites (regard et mouvement).
Attention, je ne vous conseille pas de mentir à votre collègue. Vous pouvez vous contenter d’un « Excuse-moi, je dois y aller ». Point barre. Je sais que ça n’est pas forcément facile, parce que donner une raison pour son indisponibilité, c’est plus poli. Mais ça n’est pas obligatoire. L’important, c’est que vous évitiez de tendre une perche à Marcel, qui vous fait perdre du temps et vous sape le moral. Donc vous pouvez rester courtois, mais ne vous sacrifiez pas en lui donnant du grain à moudre.
Conseil n° 3 : n’essayez pas de le changer
Changer le comportement des gens, ça n’est pas votre rôle et ça n’est pas votre place non plus. Vous n’êtes pas là pour juger Marcel. Simplement, son comportement vous est toxique et cela abîme votre relation. Vous n’êtes pas psychologue, et Marcel ne vous a rien demandé.
Par contre, vous, vous pouvez travailler à changer votre comportement en présence de Marcel pour vous protéger. C’est possible, en utilisant la technique dont je vous parlais dans la partie précédente. Ça n’est pas l’objectif, mais peut-être Marcel changera-t-il son comportement vis-à-vis de vous quand il se rendra compte que ça ne vous intéresse pas, que ça ne prend pas avec vous.
Conseil n° 4 : n’allez pas voir votre direction
En tant que collègue de Marcel, je vous conseille de ne pas aller vous plaindre de lui à votre direction ou aux ressources humaines. Ils sont là pour vous aider à résoudre des problèmes que vous ne pouvez pas résoudre vous-même. Or, vous avez la possibilité d’agiret de vous soustraire à cette difficulté-là tout seul.
Si vous demandez à votre manager ou à votre DRH de régler tous vos problèmes relationnels avec vos collègues, vous risquez de vous faire une réputation de geignard vous-même. Et puis aller vous plaindre d’un collègue en le critiquant auprès de quelqu’un d’autre, ça n’est pas très positif non plus.
Et si ça devient insupportable ?
Vous ne pouvez pas toujours couper court, parce que vous devez travailler avec Marcel au quotidien. En plus, Marcel ne capte peut-être pas vos nombreux signaux et continue d’agir négativement. Bon, si vous êtes dans ce deuxième cas et que Marcel passe la tête à votre bureau pour vous “embêter deux minutes”, mais avec un air qui dit « Tu vas pas croire ce que j’ai de négatif à te raconter pendant deux heures », vous avez toujours la solution de couper court, avec un « Excuse moi, j’ai vraiment pas le temps » très courtois.
Mais quand vous ne pouvez vraiment pas éviter le contact, et que vous devez travailler ensemble, comment faire ?
- D’abord, posez toujours une limite de temps : « Marcel, on a une heure à consacrer à ce sujet, on ne peut pas dépasser, parce que blablabla ».
- Ensuite, mettez une alarme. Quand elle sonnera, vous n’aurez qu’à dire « Ah, ça y est, je dois y aller, j’ai ça à faire maintenant…».
- Enfin, vous pouvez utiliser la technique du parking. C’est-à-dire avoir une feuille à côté, sur laquelle vous notez tout ce qui est hors-sujet et à traiter à un autre moment. Dès que Marcel dévie, pour critiquer quelque chose ou vous raconter son dernier ragot sur la directrice marketing, vous lui dites « Attends, on le note pour en parler plus tard, c’est pas le sujet maintenant ». En général, Marcel vous dira que c’est bon, pas besoin de noter, ça n’était pas si important. Non seulement, vous évitez la spirale, mais en plus, vous lui tendez un miroir qui lui fera peut-être réaliser son comportement.
Bref, quand vous ne pouvez pas éviter, limitez.
L’autre outil à utiliser, c’est un fondamental du manager : le feedback. Attention, ça n’est pas le même feedback qu’avec un collaborateur. Celui-ci se fait en deux étapes.
- Vous décrivez le comportement ; neutre, factuel, pas de jugement. Ne dites pas : « Tu sais quand t’es négatif… », mais plutôt « Tu sais, quand t’as parlé de la voiture de la directrice marketing en pleine réunion…». C’est factuel, il l’a fait.
Donc : « Quand tu » + comportement (c’est-à-dire action, pas attitude). - Vous décrivez l’impact : là ça peut être moins factuel, puisque vous parlez de vous. Par exemple : « Tu sais quand tu me parles de la voiture de Gisèle en réunion, voilà ce qui se passe : j’ai l’impression qu’on n’avance pas et j’ai peur qu’on soit en retard », ou « Tu sais, quand tu dis que la boîte est nulle, eh bien ce qui se passe, c’est que ça me plombe le moral et après j’ai du mal à retrouver mon énergie ».
Lors d’un feedback envers un collaborateur, vous pourriez ensuite lui demander de changer son comportement. Ici, vous n’avez pas d’autorité hiérarchique sur Marcel, donc vous vous arrêtez là. Vous lui donnez l’occasion de changer, mais vous ne l’y obligez pas.
Votre collègue va peut-être enchaîner, défendre son point de vue : « D’accord, mais quand même, c’est plus possible la stratégie, faut qu’on se batte, blablabla ». Là, c’est le moment de couper court à nouveau, pour ne pas polluer la pureté du message du feedback.
Si Marcel vous répond plutôt par « T’es en train de dire que je suis un mauvais collègue ? », vous pouvez répondre : « Mais non, je ne suis pas en train de te dire que tu n’es pas quelqu’un de bien, je te dis juste que quand tu as tel comportement, voilà l’impact que ça a sur moi, et je suis désolé, ça ne me fait pas du bien, donc il fallait que je t’en parle ».
Et puis, en dernier recours, si vraiment vous n’arrivez pas à vous comprendre, vous pouvez toujours dire « Excuse-moi Marcel, mais vraiment, ce genre de conversation, ça n’est pas avec moi que tu dois l’avoir ».
La semaine prochaine, nous aborderons le même sujet, mais sous un autre angle : comment travailler avec un collaborateur (ou un “subordonné”, mais je n’aime pas ce terme) toxique ?
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Manon Watine pour ODM