Votre meilleure commerciale, Sophie, est-elle plutôt Wonderwoman ou Leïa ? Frodon ou Wolverine pour Éric du service comptable ? Vous ne savez pas de quoi je parle ? C’est normal. Aujourd’hui, je vous partage une réflexion personnelle, certes un peu farfelue, mais passionnante et basée sur des recherches menées aux États-Unis, sur le mindset, l’état d’esprit du manager. Et si vous vous mettiez à considérer vos collaborateurs comme des héros et deveniez leur mentor ?
Pourquoi adopter le mindset du mentor quand on est manager ?
Il y a quelque temps, j’ai lu le livre It’s the manager édité par Gallup, une entreprise de recherche américaine qui travaille sur le management et les ressources humaines. Dans ce bouquin, les auteurs partagent 52 découvertes appuyées par des recherches scientifiques à propos des nouvelles façons de travailler.
Voilà celle qui nous intéresse aujourd’hui : les gens veulent un « great job », un « super travail ». Ça peut paraître banal, mais en fait, c’est une révolution. On cherche désormais beaucoup plus qu’un gagne-pain. Cela veut dire que vos collaborateurs se demandent tous les jours si :
- L’entreprise reconnaît et valorise leurs compétences et leur contribution ;
- L’entreprise leur donne l’opportunité de réaliser leur plein potentiel ;
- Ils sont engagés dans quelque chose qui a du sens et une direction.
En tant que manager, vous êtes OBLIGÉS de prendre cela en considération : vous devez leur permettre de réaliser leur potentiel, donner un sens à leurs actions (donc un contexte et un but), et reconnaître leur singularité.
Le mindset mentor-héros que je vous propose aujourd’hui répond à tout cela : un employé qui est traité comme un héros dans votre entreprise ne la quittera pas pour une autre qui le paie mieux, mais le traite comme une personne lambda.
Si vous nous connaissez déjà un peu, vous savez que chez Outils du Manager, on ne s’arrête pas à la théorie. On vous donne des outils, des astuces, des éléments de mise en pratique. C’est parti !
Comment appliquer le mindset du mentor au management ?
Vous commencez sûrement à connaître ma mécanique. Quand je vous présente un nouveau concept, j’aime bien parler du Pourquoi avant de parler du Comment. Je fais cela parce que, comme en entreprise d’ailleurs, donner du sens à l’exécution, c’est important. Savoir pourquoi on fait les choses, c’est motivant. Et dans le sens inverse, avoir plein d’intentions, mais ne pas les mettre en action, c’est courant et c’est dommage. Je vous explique donc maintenant comment injecter le mindset du mentor dans tous les outils ODM.
Le 1 à 1, lieu du storytelling
Le storytelling est très à la mode dans le milieu du marketing. Raconter une histoire, c’est efficace parce que ça parle au cœur plutôt qu’au rationnel. Personnellement, c’est le côté aventure qui m’a attiré dans le management. Posez-vous la question : « Dans quelle aventure ma boîte, mon équipe, notre projet s’inscrivent-ils ? », et appropriez-vous cette aventure collective. Quand les chefs disent « Cette année, voilà la marge et le chiffre à faire », vous pouvez vous arrêter là, mais ça ne fait pas beaucoup rêver. VOUS, en tant que manager, vous pouvez en faire une histoire.
L’outil pour ça, c’est le 1 à 1, outil fondamental d’Outils du Manager. S’il n’en fallait qu’un, c’est vraiment celui-là qu’il faudrait expérimenter. Les 1 à 1 sont des entretiens hebdomadaires de 30 minutes, avec chacun de vos collaborateurs, durant lesquels c’est lui qui s’exprime. C’est l’occasion pour lui de vous raconter son histoire, de mettre en mots son parcours, ses réussites ou ses difficultés. C’est l’occasion pour vous de mieux le connaître pour mieux l’accompagner. Les très bons managers sont capables de vous parler de chacun de leurs collaborateurs individuellement et précisément.
Avant chaque 1 à 1, demandez-vous où en est CE héros dans SON aventure, et laissez-le vous la raconter : c’est hyper agréable, et ça montre tout l’intérêt et le respect que vous avez pour son travail. Et pour vous, c’est tout bénéf’ ! Il est bien plus valorisant quand on est manager de raconter à quel point ses collaborateurs sont bons (au N+1, aux clients, etc.) que de parler de soi !
Ensuite, quand vient votre tour de parler, reprenez son histoire : « Tu te souviens, la dernière fois, tu avais réussi en faisant ce truc super, comment tu vas faire cette fois-ci ? ». S’il est dans un moment difficile, face à une embûche, posez-vous la question suivante : « Comment je peux jouer le rôle du mentor qu’il y a dans toutes les histoires ? ». Chaque héros a son mentor. Vous êtes celui de votre collaborateur. Il ne s’agit donc pas de faire les choses à sa place. Vous devez lui permettre de se révéler.
Bien évidemment, vous n’êtes pas obligé d’utiliser ce vocabulaire, de lui parler d’aventure et de héros si ça vous semble bizarre. L’important, c’est votre mindset.
Transformer les objectifs en quête
Il n’y a pas de héros sans but, sans quête, sans Graal. Cet objectif, on le connaît dès le début de l’aventure, mais ça n’est pas le principal. Le plus important, c’est le chemin, comment le héros va parvenir à son Graal. C’est pour ça qu’une quête storytellée, c’est quand même beaucoup plus motivant qu’une réunion de début d’année interminable dans laquelle on évoque simplement des objectifs chiffrés.
Le management par objectifs est un sujet sur lequel je travaille beaucoup. Une semaine de mails vient de se terminer pour ma liste d’abonnés (si vous voulez la rejoindre, c’est par ici), et j’ai également créé une Form’action à ce sujet.
Il y a trois strates d’objectifs, qui sont revues régulièrement : la stratégique (chaque trimestre), la tactique (chaque mois), et le terrain (chaque semaine). Ça, c’est la base. La stratégique, c’est l’histoire, la tactique, ce sont les tomes, et le terrain, ce sont les chapitres. Ce que cela change, c’est qu’on se rend bien mieux compte que chaque chapitre est une mini-histoire. Ainsi, même à l’échelle d’une semaine, sur le terrain, il y a une histoire à raconter. Cela permet trois choses :
- Voir les choses comme une histoire permanente, ça oblige à faire le bilan.
- Se mettre au centre d’un scénario, ça oblige à se mettre en action et à se responsabiliser.
- Penser les réunions stratégiques et tactiques comme des histoires, ça les rend beaucoup plus attirantes. Ça parle au cœur, et ça donne à chacun son rôle dans l’entreprise.
Les entretiens de fin d’année sont le temps des objectifs par excellence. Chez ODM, on aime les appeler des entretiens de progrès, et ils ont deux buts :
- Le bilan : il s’agit d’ouvrir l’histoire à la bonne page pour considérer la situation du héros à un instant précis. Il y a eu un passé, et il y aura un avenir. Son histoire va être racontée à deux voix : la sienne et la vôtre. Il est donc vraiment important que vous travailliez cette rencontre tous les deux, individuellement et en amont (vous pouvez même vous aider d’une trame).
- L’évaluation : ça n’est pas l’étape la plus facile, mais elle est indispensable. Vous devez connaître votre équipe, savoir de qui elle est composée précisément et sur quelles compétences vous pouvez compter. L’évaluation, ce n’est donc pas un jugement sur la personne, mais sur son évolution actuelle.
Chausser les lunettes du mentor, ça permet de ne pas porter de jugement définitif et de vous rappeler que vous êtes dans une quête ensemble. Prenez donc ces entretiens comme des occasions de parler des super-pouvoirs de votre héros, de préciser sa place dans son équipe et pour la quête. Et si vous voulez aller plus loin, j’en ai fait une Form’action dans laquelle je développe encore plus précisément ce mindset mentor/héros, et je vous propose des trames pour mener vos entretiens de progrès.
Les supers-pouvoirs appliqués au management : le mentor est aussi un coach
Dans les histoires, le héros a des super-pouvoirs, ou alors des caractéristiques humaines qui lui sont spécifiques et différentes des autres. Mais il a rarement le full package. Les capacités qu’il n’a pas, soit il les trouve chez d’autres, soit il les apprend et les développe, conseillé par son mentor. Dans votre équipe, c’est pareil !
Votre job de manager, c’est de constituer une équipe de choc qui va remporter des victoires. Cela résonne complètement avec l’histoire du héros et du mentor. Mais attention, le coaching, ce n’est pas une formation. Coacher, c’est manager l’évolution de ses compétences. Vous n’êtes pas la ressource, mais vous êtes co-responsable de son évolution.
Dans les jeux de rôle, chaque héros a sa fiche de personnage, qui décline ses compétences dans des domaines précis. Vous pourriez faire pareil pour chaque collaborateur : « Qu’est-ce que cette personne a de particulier que les autres membres de l’équipe n’ont pas ? Et de quel autre pouvoir a-t-il besoin pour augmenter son efficacité ? ». Un commercial peut avoir un super relationnel, mais manquer d’organisation. À vous de juger de la décision à prendre : compter sur un autre héros, ou aider ce héros-là à développer un nouveau super-pouvoir ? Jaugez avec finesse, en fonction de ce que votre collaborateur est, de ses zones de plaisir, de confort et de compétence. L’amalgame des super-pouvoirs d’une équipe est important, mais certaines faiblesses peuvent empêcher une personne de s’exprimer au maximum.
Enfin, le dernier rôle du mentor est le coaching de la progression. Vous devez suffisamment connaître vos collaborateurs pour savoir les situer sur une courbe en queue-de-cochon (retrouvez ici l’article de la semaine dernière à ce sujet). Et lorsqu’ils sont en phase de plateau ou de régression, votre rôle est de l’identifier le plus rapidement possible pour faire un feedback en fonction.
Gestion des péripéties : le feedback
Dans toute histoire, le héros vit des hauts et des bas. Il n’y arrive pas toujours du premier coup. Pourtant, on ne le juge pas sur les moments où ça va mal. On admire sa manière de s’en tirer. On part du principe que ses erreurs vont le faire évoluer. Dans votre équipe, c’est la même chose. Chaque moment difficile est l’occasion d’apprendre et de ré-augmenter le niveau ensuite.
Vos héros doivent TOUJOURS savoir où ils en sont de leurs performances pour la quête. Et pour ça, vous devez le leur dire. L’outil pour leur parler de leurs performances, négatives comme positives, c’est le feedback. Le feedback se fait toujours en 4 étapes :
- « Est-ce que je peux te faire un feedback ? » ;
- « Quand tu fais… + comportement » ;
- « Voilà l’effet : … » ;
- « Peux-tu s’il te plaît renforcer/changer ce comportement ? ».
Le mindset du mentor vous permet d’abord d’orienter votre feedback par rapport à la quête collective. Vous pourrez toujours trouver des choses qui ne vont pas, mais la question, c’est de savoir si ces choses ont un impact négatif sur la quête et face aux péripéties en cours, et si les choses positives ne les compensent pas. Parce que dans ce cas, mieux vaut encourager le positif que d’appuyer sur le négatif.
Le mindset du mentor permet une deuxième chose : la confiance. Vous donnez au héros la responsabilité de prendre en compte ce feedback pour évoluer. Vous faites le constat, et ensuite vous lui faites confiance : c’est un héros, il trouvera.
Et la dernière chose hyper importante, c’est que votre héros a le droit à l’erreur. À partir du moment où vous faites confiance à quelqu’un et que vous l’admirez, vous savez qu’il peut faire des erreurs. Vous souhaitez même qu’il en fasse, parce que les corriger est un excellent apprentissage, nécessaire pour évoluer. Le mentor montre un miroir et devient spectateur admiratif de la réussite du héros : il constate les erreurs, puis demande au héros de les corriger.
Le DISC et le flow : favoriser l’héroïsme et l’admiration
Considérer ses collaborateurs comme des héros est aussi un excellent moyen d’œuvrer pour la rétention. Eh oui, un héros, on veut le garder, donc on l’incite à ne pas quitter le navire. Cela résonne parfaitement avec votre rôle de manager, parce que ça vous rend fier. En tous cas, moi, j’adore raconter les réussites de mes équipes ! Bien plus que de parler de leurs petites faiblesses ou des cancans de la boîte. J’adore aussi les entendre raconter eux-mêmes leurs réussites. C’est un peu ça, la posture de mentor. Vous êtes fier de votre padawan, et lui compte sur vous pour l’accompagner avec honnêteté et bienveillance.
L’outil du DISC résonne lui aussi parfaitement avec le mindset du mentor et du héros. Cette cartographie comportementale de 4 profils de communication ne porte aucun jugement de valeur, mais dessine les forces et les faiblesses de vos héros.
- Le Dominant : le rôle du héros est parfait pour lui, qui se considère héros de sa vie et aime les victoires.
- L’Influent : cela marche très bien avec lui aussi, puisque ça lui permet d’exister. En plus, il fonctionne beaucoup par anecdotes et adore raconter des histoires.
- Le Stable : le lien paraît moins évident. Mais en fait, il aime mettre en avant les autres et que tout le monde ait sa place dans l’équipe. Il aime les histoires d’harmonie, de mise en avant, de fierté de ses collaborateurs.
- Le Consciencieux : son accroche avec ce mindset paraît moins évidente également. Pourtant, il aime les choses organisées. Or, caractériser les gens avec des super-pouvoirs rend les choses limpides. Et surtout, la quête détermine une logique aux actions entreprises. Le storytelling met en place un système, une direction, organise le chaos.
Pour terminer, le concept de Flow permet lui aussi de filer la métaphore. Vous trouverez un tas de ressources à ce sujet dans mes podcasts et mes vidéos en tapant « flow » dans la barre de recherche. Mais pour résumer, il s’agit d’un concept développé par Mihály Csíkszentmihályi, chercheur en psychologie hongrois, qui détermine les conditions de « l’expérience optimale », c’est à dire la performance + l’expérience agréable.
Si vous devenez le mentor de vos héros, vous leur permettrez :
- d’être à l’intérieur d’un grand Pourquoi ;
- de savoir en permanence s’ils sont en train de progresser ou pas ;
- de leur fixer des challenges en adéquation avec leurs compétences (qui doivent toujours être légèrement supérieurs pour éviter le burnout et le boreout) ;
- de focaliser leur énergie pour s’immerger dans ce qu’ils sont en train de faire, grâce à la quête (environnement clarifié = moins de pensées parasites).
Avec cet article original, je sais que je ne parlerai pas à tout le monde. Mais en revanche, je suis sûr que ça en enthousiasmera beaucoup d’autres ! Ceux-là, à vos claviers ! Je serai ravi d’échanger à ce sujet dans les commentaires ou par mail. J’espère sincèrement que ce concept vous permettra de vous enthousiasmer pour votre travail, de vous rendre fier de vos collaborateurs et de vous épanouir dans votre nouveau rôle de mentor 😉
À la semaine prochaine !
Manon Watine pour ODM