Pourquoi faire un feedback ?

mai 7, 2020

Pour ce troisième test de notre série Antifragile, nous allons nous pencher sur la question du feedback. Le feedback est un outil très connu en management, mais il est rarement bien utilisé : au mauvais moment, sans méthode, violemment… Les retours que vous faites à vos collaborateurs sont des repères, des guides, pas des punitions ! C’est pour cela qu’il est très intéressant de lier le feedback au concept antifragile : pour comprendre que le but est de provoquer de petits chocs avec fréquence, afin d’entraîner un processus d’adaptation. Dans cet article, je vous livre les choses à faire et à ne pas faire pour un bon feedback, ainsi qu’un test pour vous situer dans votre propre accompagnement de la progression.

À quoi sert le feedback ? 

Dans son livre Antifragile : les bienfaits du désordre, Taleb indique régulièrement que ce qui génère les meilleures adaptations, ce sont les chocs de faible intensité, mais fréquents. Pourquoi ? Parce que ces chocs-là génèrent une mini-crise à chaque fois qu’ils adviennent, et que c’est de cette façon qu’un organisme (ou un système, une entreprise, etc.) apprend, réagit et s’adapte. Après la crise, le propre d’une organisation antifragile, c’est qu’elle en ressort plus forte. Et la répétition, la fréquence de ces mini-crises augmente la réactivité

Eh bien, c’est pareil pour vos collaborateurs. Vous le savez sûrement déjà si vous avez lu mes 6 principes de management (et les 6 articles qui les détaillent), la fréquence est un principe majeur du management à la sauce ODM. En gros, cela signifie que pour manager efficacement vos collaborateurs, vous devez user de certains outils avec fréquence. Si vous faites des feedbacks réguliers, vos collaborateurs s’adapteront et évolueront bien plus facilement pour devenir antifragiles. Cela rejoint également mon schéma de la progression, la désormais célèbre chez Outils du Manager, j’ai nommé : « La courbe en queue de cochon » .

La différence entre ça : 

Une réaction trop tardive à un évènement entraîne une courbe en tire-bouchon descendante

et ça :

Une réaction au bon moment entraîne la remontée de la queue en tire-bouchon

C’est la vitesse à laquelle votre collaborateur réagit. Évidemment, il faut qu’il réagisse ! Ce qui renforce le système, ou votre collaborateur dans notre cas, ce n’est pas le choc en lui-même. On n’est pas dans le bête et méchant « ce qui ne te tue pas te rend plus fort », où il s’agit juste d’encaisser les coups. Non, ce qui renforce, c’est le processus d’adaptation qui découle de la crise ou du choc. Sans ce processus, le choc ne fait que dégrader le système. 

Et votre job à vous, manager, c’est de faire en sorte que ce processus ait lieu. Pour cela, vous devrez souvent le provoquer. Et pour y arriver, pas de secret : vous devez avoir une vision fine de votre collaborateur. 

Le préalable au feedback : les 1 à 1

L’outil qui vous permet d’ajuster régulièrement votre vision pour être au plus près de la réalité, et dans le même timing que vos collaborateurs, c’est le 1 à 1. Le 1 à 1 est LE premier outil à mettre en place quand on commence à manager une équipe, ou qu’on souhaite restructurer son management. Il s’agit de rendez-vous individuels et hebdomadaires avec chacun de vos collaborateurs, centrés sur VOTRE écoute de ce qu’ILS ont à dire. 

Lors de vos 1 à 1, soyez attentif aux variations d’humeur de vos collaborateurs, aux récits qu’ils vous font de leurs journées et de leurs expériences. Prêtez attention à la réalité qu’ils vous exposent, mais aussi à la manière dont ils la vivent. 

Si vous avez en tête la courbe en queue de cochon, vous allez naturellement développer une aptitude particulière : celle de situer votre collaborateur sur cette courbe, et surtout de comprendre quand vous devez intervenir. Nous y voilà. Pour accompagner vos collaborateurs vers plus d’antifragilité, il va falloir régulièrement déclencher leur processus d’adaptation, aussi vite et efficacement que possible. Et l’outil pour ça, c’est le feedback. 

Faire un bon feedback : les étapes

Notre modèle comprend 4 étapes : 

  1. Attirer l’attention ;
  2. Décrire le comportement ;
  3. Décrire l’impact du comportement ;
  4. Demander un renforcement ou un ajustement. 

Par exemple : « Excuse-moi, Balthazar (1), quand tu hurles au téléphone (2), on ne s’entend plus dans l’open space (3). Tu pourrais changer ça ? (4) » ; ou « Antoinette (1), tu sais, quand tu as encensé tes collègues devant les clients l’autre jour ? (2) Ils ont adoré ça et m’en ont parlé ! (3) N’hésite pas à le refaire (4) ». 

La différence entre renforcement et ajustement est simple. Renforcer, c’est augmenter (en quantité ou en qualité) un comportement. Ajuster, c’est modifier ou stopper un comportement. Quelqu’un qui est sur la partie progression de sa courbe aura besoin de renforcement. Quelqu’un qui est sur la pente descendante de sa courbe aura besoin d’ajustement. 

Attention, pour que Taleb et moi puissions apposer le « label antifragile » sur votre feedback, vous devez être vigilant quant à son contenu. C’est là que c’est subtil ! 

Ce qu’il faut faire

  • Décrivez-lui simplement l’impact de ses actes pour l’informer et lui donner les capacités de corriger ;
  • Donnez l’information plutôt que des instructions ; 
  • Parlez-lui du pourquoi plutôt que du comment. 

Ce qu’il ne faut pas faire

Le feedback n’est pas du patronage.

  • Ne dites pas à votre collaborateur ce qu’il doit faire (vous le priveriez de son processus d’adaptation personnel) ;
  • Ne le punissez pas ;
  • Ne l’humiliez pas devant les autres.

Quand faire un feedback ?

Faites des feedbacks positifs à chaque prise d'initiative et à chaque correction d'erreur ou évolution. Faites des feedbacks négatifs en cas d'absence d'initiative ou de mauvaise correction d'erreur.

Le feedback antifragile est donc subtil… Il ne vise pas à corriger les écarts par rapport à une norme, il vise à renforcer les comportements qui nous font progresser vers notre antifragilité !

Test antifragile n° 3

Maintenant que vous avez toutes les clés en main pour réaliser de bons feedbacks antifragiles, efficaces et tournés vers la progression, je vous propose de passer ce petit test. Comme les deux précédents, je vous encourage vivement à y répondre très honnêtement, et par écrit. Pourquoi ? Parce que (vous) mentir ne servirait à rien : souvenez-vous, pour devenir antifragile, on veut des chocs ! 

  • Faites-vous des 1 à 1 ? 
  • Avez-vous en tête la désormais très célèbre « Courbe en queue de cochon » ? 
  • Êtes-vous capable de placer vos collaborateurs sur celle-ci ?
  • Faites-vous des feedbacks en 4 étapes à la mode ODM ?
  • Ces feedbacks méritent-ils le « label antifragile » ?
    • Parlent-ils du pourquoi et pas du comment ?
    • Encouragent-ils les initiatives personnelles ?
    • Découragent-ils l’attentisme ?
    • Renforcent-ils la correction autonome des erreurs et la capitalisation sur celles-ci ?

J’espère que ces quelques questions vous permettront de vous situer quant à votre pratique du feedback. Si vous avez répondu négativement à certaines d’entre elles, pas de panique ! Cela signifie que vous avez devant vous un processus d’adaptation passionnant ! C’est votre propre crise à vous. Vous voilà paré pour vous embarquer sur la route d’un management antifragile. La semaine prochaine, on continue sur cette lancée, et on parle « haltères »…

Manon Watine pour ODM